الجمعة، 14 نوفمبر 2014
Oued El-Bared avant et après la décennie noire
14.11.14
La commune de Oued El-Bared (3 000 habitants), située dans la daïra de Amoucha, à quelques 50 kilomètres au nord du chef- lieu de la wilaya de Sétif, et à l'instar de Babor, dont elle est mitoyenne, a subit le martyre durant la période sanglante, communément appelée la décennie noire. La population a connu les pires affres du terrorisme. Aujourd'hui, la paix et la quiétude retrouvées, ses enfants durement éprouvés retrouvent le sourire et les bancs de l'école, longtemps désertés….et les cascades de Ouled Ayad dont elle est cible des terroristes, aujourd’hui elle devient une orientation des touristes, surtout qu’elle est près des monts de babor, où vous pouvez trouver un autre monde, une autre atmosphère, c’est la nature qui parle dans la région de Oued El-Bared.
الثلاثاء، 11 نوفمبر 2014
Sétif : Oued El Bared, un bourg… une histoire
11.11.14
Quand on touche du doigt l’histoire de la localité de Oued El Bared, il n’y a plus de fuite possible, on s’y enfonce malgré soit comme aspiré par une sorte de hors temps, car ce que l’on éprouve de prime à bord en débarquant dans ces lieux, c’est le sentiment que le temps devait s'être estompé durant de longues années pour que la nature, les choses et les êtres, aient pu conserver cette remarquable touche du passé.
Située au pied d'une petite colline entourée par les montagnes de Kherrata, à mi-chemin entre les wilayas de Sétif, Jijel et celle de Béjaïa du côté nord- ouest, exactement au croisement des massifs de Babor et de la Chaîne de Kherrata, auxquels des arbustes variés impriment l'aspect d'une tête de nègre, Oued El Bared ressemble à première vue plus à un nid de rapaces qu'à une agglomération humaine. Elle est quasiment imprenable pour qui veut l'atteindre depuis le vallon. Cette curiosité géologique, nous révèlent les vieux de la région, avait déterminé les ancêtres, en butte à l'ennemi colonial, à s'y installer malgré les grands froids de l'hiver, les intempéries innombrables et l'éloignement que constitue la distance qui les séparait des champs de culture et des puits. Oued El Bared c’est aussi l’histoire d’une langue, le berbère des Hauts-Plateaux, c’est un mélange de kabyle et de sétifien. Mais Oued El Bared n’est pas que cela, son caractère géographique unique la différencie nettement des autres terres sétifiennes.
A mesure que l’on s’en approche, il s’annonce géologiquement. Aux pénéplaines côtières parfois verdoyantes parfois franchement nues, succède un sol qui se plisse, se bourrelle et délivre d’autres essences. Une variété infinie de cactées surgit au petit jour des deux côtés de la route taillée dans la croûte sèche et caillouteuse, des arganiers rabougris et poussiéreux. Arbres épineux mille fois vaincus et mille fois ressuscités.
Rien ne vient jamais à bout de leur résistance, ni les chèvres qui y grimpent allégrement pour les dépouiller de leurs minuscules feuilles, ni les coupes meurtrières que leur infligent les bûcherons clandestins, car en dépit d’une modernité acceptée et même recherchée, le bois de chauffe continue de flamber dans les kanounes.
L’arganier est sans doute le symbole le plus représentatif de cette région montueuse que la légende auréole de ses mythes patinés et de mystères dont le moindre effet est de vous nouer imperceptiblement les tripes lorsque vous rencontrez un de ces vieillards éternels dont les rides disent une histoire de sang versé, de lutte pour la survie entrecoupée de joies simples et fugaces.
Oued El Bared, c’est aussi une riche histoire de la femme. De tout temps, la femme berbère des Hauts-Plateaux sétifiens a été pourvoyeuse des significations cachées du monde. C’est elle qui inculquait aux très jeunes enfants la culture ancestrale que l’homme, trop paresseux quand il n’était pas occupé dans le commerce ou dans les travaux de maçonnerie, ne leur dispensait pas.
Cette culture ne se donnait pas comme un apprentissage au sens scolaire, mais comme un travail de patience et de méthode qui consiste à nourrir le cerveau de l’enfant de légendes symboliques tout en lui faisant connaître les beautés diverses et immédiates de la terre. Ici la femme apparaît comme déesse bienveillante, car elle compose avec les éléments, elle est les éléments et tous ce qui les embellis aux yeux des hommes ; mais c’est au printemps qu’elle s’épanouie et devient aussi aérienne qu’une antilope. Elle se confond avec la renaissance de la nature. Autrefois, On voyait les jeunes filles couper l’herbe tendre et l’entasser dans leurs hottes ; elles ne se voilaient pas le visage qui resplendissait sous une frange de cheveux noirs. Elles s’égaillaient dans les champs entre les hautes tiges porteuses de fleurs diaprées, au crépuscule elles déposaient leurs hottes sur le sable humide du torrent et s’asseyaient en cercle sur les dalles schisteuses pour s’épancher.
Elles devaient parler d’amour et d’innocence ou rêver à ces villes surpeuplées où elles vivent aujourd’hui, adultes et harassées, dans l’énervement, le tumulte et la pollution. Elles étaient véritablement dans un paradis qui faisait pièce avec leur corps, mais elles ne doivent pas s’en rendre compte. Elles étaient alors libres de parcourir la montagne et la vallée ; cette terre pourtant très étendue n’était qu’un vaste domaine où elles évoluaient à leur guise.
Maintenant, elles se laissent cloîtrer dans des appartements exigus ou des villas, elles ne sortent qu’accompagnées et elles ignorent tout des dangers extérieurs. Elles savent qu’elles sont dans une ville, mais elles ne comprennent pas son fonctionnement. Elles ressemblent à ses reines des termites dont l’existence au fond de l’obscurité complète est vouée aux cycles de reproduction. Elle en ont même les apparences ; elles grossissent vite par inaction et tombent souvent malades. De fines et sveltes qu’elles étaient, elles deviennent lourdes et adipeuses. Et peut être oublient-elles de communiquer à leur progéniture ce que leur avaient transmis leurs mères.
C'est depuis les sommets de Tizi nBéchar, c'est-à-dire de là-haut qu'on peut le mieux admirer la vallée de Oued El Bared, tapie entres les masses rocheuses dans son habit badigeon ocre et blanc; c'est de là-haut que ce qui est en bas se précise et qu'on prouve l'envie de communiquer avec le cosmos, car tout est à l'échelle cosmique en ces lieux où la géologie et la métaphysique se mêlent en de multiples images qui vous laissent en mémoire une marque indélébile comme le sceau magique de la sérénité blanchie par des souffles purs de la genèse.
Cette vision haute s'efface à mesure que l'on redescend au cœur du village d’oued El Bared. On est alors aspiré par des couleurs et les rythmes de la lumière, les devantures des maisons offrent ici un cachet comparable à celui qu'on trouve dans les villages montagneux berbères. Car le style de vie des gens de Oued El Bared exprime ici l'image de la culture berbère. Cette culture imprègne tous les objets, dont les poteries. C'est en descendant que les volumes recouvrent leur dimension véritable, et leur nature étranges qu'ils vous paraissent à première vue. Dès que vous débarquez à Oued El Bared, la nouvelle de votre arrivée se répand de bouche à oreille, on accourt de partout pour vous congratuler, vous voir, on se dispute âprement l'honneur de vous avoir à diner, vous passez d'une terrasse à une autre, vous mangez un peu chez l'un un peu chez l'autre pour ne froisser personne car, cette hospitalité ne se refuse pas. Dans cette vallée imprenable par tous les lacets escarpés surplombant le chaos des roches et des torrents, sur ces terres où des dechrate entières sont désertées par les siens et laissées à l'abandon.
Avec la disparition progressive et combien inévitable des vieillards issus de la région et imperméables aux influences corruptrices, se pose le problème de la pérennité culturelle.
Cela touche essentiellement la culture du travail de la terre. Curieusement, on est frappé de constater qu’ici à Oued El Bared la terre arable elle-même est laissée à l’abandon parce que plus personne ne veut la cultiver en dehors de la période des semailles.
De tous ceux qui vivent en permanence dans ce village de montagne, il n’y a que les vieillards et les pauvres qui sachent réellement la valeur de la terre. Ce sont eux qu’on croise sur le chemin de la mosquée restée jusqu’à présent le lieu privilégié des réunions communautaires. Mais en dehors des heures de prières, l’imam est presque toujours seul ; il médite sur une natte fatiguée au pied d’un mur chaulé auquel est pendue une outre de cuir noir qui s’égoutte lentement.
A quoi pense-t-il et en quoi consiste sa méditation ? C’est la question que se pose celui qui l’observe de loin sans être vu. Comme il était craint et respecté à l’époque ! Maintenant, n’importe quel esprit grincheux l’injurie et quitte même le rang avant la fin de la prière.
La jeunesse de Oued El Bared n’est pas portée sur le sacré ; à vrai dire elle se consacre surtout au jeu sous toutes ses formes et à l’ivresse à tout prix ; elle est oisive et mal dans sa peau. Mais qu’heureusement une autre jeunesse existe, pas forcément religieuse mais assez dynamique, assez consciente et responsable pour envisager l’avenir autrement que ses parents auxquels s’est imposé le monde moderne avec la brutalité que l’on sait.
Culturellement, elle fait son possible avec les moyens du bord, ne disposant que de son intelligence et de sa volonté, pour exhumer et revivifier ce qui est partout renié, rejeté par ceux la mêmes qui ignorent que la perte de la terre a pour cause directe la perte de ses racines. Ce que l’on ressent en se promenant à Oued El Bared c’est un sentiment de paix que n’entame pas la morsure vive du froid qui sévit dans cette région montagneuse.
Tout ici baigne dans une torpeur quiète et glaciale, les murs et les êtres. Mais le souk situé au centre du village continue de s’agiter mollement.
Même les animaux de traction, toutes les montures sont remplacées par des autos, des camionnettes et des cyclomoteurs. Leur pétarade couvre le braiment des rares ânes que l’on rencontre encore de temps en temps. Oued El Bared, qui a perdu ses repères, s’est transformé au cours des ans en une cité ocre et poussiéreuse.
Ferhat Tizguine
الاثنين، 1 سبتمبر 2014
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